Le Festival d'Hyères promeut la jeune création dans les domaines de la mode, de la photographie et de l'accessoire de mode.
Chaque année, dans le cadre de la villa Noailles, le festival s'organise autour de trois concours, d'expositions et de tables rondes. Les concours rassemblent dix stylistes (depuis 1986), dix photographes (depuis 1997) et dix créateurs d'accessoires (depuis 2017), sélectionnés par des jurys de professionnels.
Les créations des candidats sélectionnés sont présentées sous forme de défilés pour le concours mode, d'expositions collectives pour le concours photographie et le concours accessoires.
Attention, Montée Noailles fermée à la circulation de 17h30 à 23h. Utilisez les parkings du centre-ville (Clemenceau, Casino, Olbia) puis les navettes. Navettes gratuites et en continu de 16h30 à 23h entre l’arrêt de bus Place Clemenceau, la villa Noailles et le parking du Château (éclairé et surveillé).
Navettes gratuites et en continu de 10h à 23h entre l’arrêt de bus Place Clemenceau, la villa Noailles et le parking du Château (éclairé et surveillé)
11h30 (20’’) Deep Water, performance - danse par Grégoire Schaller & Arthur Hoffner ⁓ Salon Rose
11h30 - 17h30 Atelier participatif ⁓ Le Jardin de Lemarié avec la Maison Lemarié ⁓ Terrasse, 1er étage ⁓ Atelier en accès libre, sans réservation, nombre de places limité.
16h Olivier Theyskens : Un cas d'école ! Rencontre entre Sophie Fontanel & Olivier Theyskens ⁓ Tente des rencontres
16h30 (20’’) Deep Water, performance - danse par Grégoire Schaller & Arthur Hoffner ⁓ Salon Rose
17h Galeries Lafayette Champs Elysées: les coulisses d’un projet hors norme par Nadia Dhouib, directrice générale et Clara Cornet, directrice de la Création et des Achats, en discussion avec Nicole Phelps, directrice de Vogue Runway et Tim Blanks, éditeur de Business of Fashion ⁓ Tente Rencontre
18h Rencontre entre Bettina Rheims, présidente du jury Photographie et Bill Mullen, suivie d’une séance de dédicaces ⁓ Jardin ⁓ Réservation obligatoire, nombre de places limité.
19h30 Projection du film We Margiela réalisé par Menna Laura Meijer ⁓ Parvis
20h30 Projection du film de présentation des 10 finalistes Accessoires de mode en compétition pour le Grand Prix du jury Accessoires de mode SWAROVSKI, produit par PSYCHO et réalisé par le duo français I could never be a dancer, Carine Charaire et Olivier Casamayou.
⁓ Défilé des 10 stylistes en compétition pour le Prix de la maison CHLOE ⁓ Défilé de Vanessa Schindler, lauréate du Grand Prix du Jury PREMIERE VISION 2017, avec le soutien des Maisons d’art de CHANEL ⁓ Défilé des 10 stylistes en compétition pour le Grand Prix du Jury PREMIERE VISION
Hangar de la Mouture, Salin des Pesquiers, Hyères. Attention le badge du Festival n’est pas un laissez-passer pour accéder aux défilés. Accessible uniquement sur présentation de votre billet.
20h30 Retransmission en direct des défilés ⁓ Place Massillon, Hyères ⁓ Le Liberté, scène nationale de Toulon ⁓ Le Silencio, Paris
23h30 Vernissage des expositions ⁓ Portraits d’Adrien Pelletier au Marais Plage et Vincent Darré & Matthieu Cosse à la Reine Jane. Pour diner, réservation obligatoire dans les deux restaurants
10h à 22h Ouverture de la villa Noailles. Navettes gratuites et en continu de 16h30 à 23h entre l’arrêt de bus Place Clemenceau, la villa Noailles et le parking du Château (éclairé et surveillé).
10h30 - 20h Showrooms The Formers présenté par Mercedes-Benz ⁓ Jardin, cour des perruches
10h30 - 16h Ouverture des showrooms des 10 stylistes Mode (Cloître) et des 10 stylistes Accessoires de mode (Galerie 1) en compétition
10h30 - 17h Lecture de portfolios avec les 10 photographes en compétition ⁓ salles voutées
14h - 21h Atelier participatif Le Jardin de Lemarié avec la Maison Lemarié ⁓ Terrasse, 1er étage. Atelier en accès libre, sans réservation, nombre de places limité
17h30 (20’’) Deep Water, performance - danse par Grégoire Schaller & Arthur Hoffner ⁓ Salon Rose
17h30 Présentation de la plateforme de photographie européenne « Futures » et visite commentée avec les 10 photographes en compétition ⁓ Salles voûtées
19h Inauguration de l’exposition de Luis Alberto Rodriguez, lauréat 2017 du Prix de la Photographie American Vintage et expositions des 10 finalistes Photographie en compétition pour le prix American Vintage, en collaboration avec American Vintage ⁓ Tour des Templiers, centre historique, Hyères
20h Projection, en partenariat avec Arte, du film Helmut Lang - le maître du minimalisme, réalisé par Claudia Müller ⁓ Parvis
20h30 Projection du film de présentation des 10 finalistes Accessoires de mode en compétition pour le Grand Prix du jury Accessoires de mode SWAROVSKI, produit par PSYCHO et réalisé par le duo français I could never be a dancer, Carine Charaire et Olivier Casamayou.
⁓ Défilé des 10 stylistes en compétition pour le Prix de la maison CHLOE ⁓ Défilé de Vanessa Schindler, lauréate du Grand Prix du Jury PREMIERE VISION 2017, avec le soutien des Maisons d’art de CHANEL ⁓ Défilé des 10 stylistes en compétition pour le Grand Prix du Jury PREMIERE VISION
Hangar de la Mouture, Salin des Pesquiers, Hyères.
Attention le badge du Festival n’est pas un laissez-passer pour accéder aux défilés. Accessible uniquement sur présentation de votre billet.
10h à 22h Ouverture de la villa Noailles. Navettes gratuites et en continu de 16h30 à 23h entre l’arrêt de bus Place Clemenceau, la villa Noailles et le parking du Château (éclairé et surveillé).
10h-12h Ouverture des showrooms des 10 stylistes Mode (Cloître) et des 10 stylistes Accessoires de mode (Galerie 1) en compétition.
10h30 -16h Lecture de portfolios avec les 10 photographes en compétition ⁓ salles voutées
11h - 12h Workshop par Kevin Ma en présence des Formers, présenté par Mercedes-Benz ⁓ Tente Rencontres
11h-16h Atelier participatif Le Jardin de Lemarié avec la Maison Lemarié ⁓ Terrasse, 1er étage. Atelier en accès libre, sans réservation, nombre de places limité.
11h (20’’) Deep Water, performance - danse par Grégoire Schaller & Arthur Hoffner ⁓ Salon Rose
12h - 16h Showrooms The Formers présenté par Mercedes-Benz ⁓ Jardin, cour des perruches
15h (20’’) Deep Water, performance - danse par Grégoire Schaller & Arthur Hoffner ⁓ Salon Rose
16h30 Remise des prix du 33e Festival International de Mode et de Photographie et d’Accessoires de mode à Hyères par les membres des jurys ⁓ Hangar de la Mouture, Salin des Pesquiers, Hyères.
16h30 Projection du film de présentation des 10 finalistes Accessoires de mode en compétition pour le Grand Prix du jury Accessoires de mode SWAROVSKI, produit par PSYCHO et réalisé par le duo français I could never be a dancer, Carine Charaire et Olivier Casamayou.
⁓ Défilé des 10 stylistes en compétition pour le Prix de la maison CHLOE ⁓ Défilé de Vanessa Schindler, lauréate du Grand Prix du Jury PREMIERE VISION 2017, avec le soutien des Maisons d’art de CHANEL ⁓ Défilé des 10 stylistes en compétition pour le Grand Prix du Jury PREMIERE VISION
Hangar de la Mouture, Salin des Pesquiers, Hyères. Attention le badge du Festival n’est pas un laissez-passer pour accéder aux défilés. Accessible uniquement sur présentation de votre billet.
18h30 Cocktail de clôture et concert surprise en partenariat avec Radio Nova ⁓ Hyères
11h-16h atelier participatif le Jardin de Lemarié avec la Maison Lemarié ⁓ Terrasse, 1er étage. Atelier en accès libre, sans réservation, nombre de places limité.
⁓ Projection du film de présentation des 10 finalistes Accessoires de mode en compétition pour le Grand Prix du jury Accessoires de mode SWAROVSKI, produit par PSYCHO et réalisé par le duo français I could never be a dancer, Carine Charaire et Olivier Casamayou.
⁓ Défilés des 10 créateurs de mode en compétition pour le Grand Prix du jury PREMIERE VISION.
⁓ Défilé des 10 créateurs de mode en compétition pour le Prix Chloé.
⁓ Défilé de Vanessa Schindler, lauréate du Grand Prix du jury PREMIERE VISION 2017, avec le soutien des Maisons d’art de CHANEL
Samedi 28 avril 20h30
⁓ Projection du film de présentation des 10 finalistes Accessoires de mode en compétition pour le Grand Prix du jury Accessoires de mode SWAROVSKI, produit par PSYCHO et réalisé par le duo français I could never be a dancer, Carine Charaire et Olivier Casamayou.
⁓ Défilés des 10 créateurs de mode en compétition pour le Grand Prix du jury PREMIERE VISION.
⁓ Défilé des 10 créateurs de mode en compétition pour le Prix Chloé.
⁓ Défilé de Vanessa Schindler, lauréate du Grand Prix du jury PREMIERE VISION 2017, avec le soutien des Maisons d’art de CHANEL
Dimanche 29 avril 16h30
⁓ Projection du film de présentation des 10 finalistes Accessoires de mode en compétition pour le Grand Prix du jury Accessoires de mode SWAROVSKI, produit par PSYCHO et réalisé par le duo français I could never be a dancer, Carine Charaire et Olivier Casamayou.
⁓ Défilés des 10 créateurs de mode en compétition pour le Grand Prix du jury PREMIERE VISION.
⁓ Défilé des 10 créateurs de mode en compétition pour le Prix Chloé.
⁓ Défilé de Vanessa Schindler, lauréate du Grand Prix du jury PREMIERE VISION 2017, avec le soutien des Maisons d’art de CHANEL
⁓ Remise des prix du 33e Festival International de Mode et de Photographie et d’Accessoires de mode à Hyères par les membres des jurys
⁓ Hangar de la Mouture, Salin des Pesquiers, Hyères
⁓ Les défilés sont ouverts au public dans la limite des places disponibles
Pendant ces 5 jours les places des défilés seront mises en ligne à 8h, 12h et 20h.
Les places du vendredi 27 avril seront disponibles à 8h.
Les places du samedi 28 avril seront disponibles à 12h.
Les places du dimanche 29 avril seront disponibles à 20h.
Le ton de cette collection est donné dès l’énonciation de son titre, un mot tatar qui inscrit le créateur dans l’histoire de son peuple. Il est question de contraste et d’équilibre dans ces bijoux uniques qu’il façonne entièrement de ses mains. L’or et l’argent proviennent de l’héritage que lui a légué son grand-père, auquel il ajoute du quartz rose et de l’agate, selon lui « des pierres offertes par la nature qui y concentre sa forme esthétique la plus aboutie ». Pas de nostalgie ni de passivité devant ces cadeaux familiaux et géologiques mais la continuation d’un cycle de vie, une réactivation. Les bijoux vivent, placés dans notre quotidien, de par la facture moderne qu’il leur procure et de par la réaction des métaux au climat et au contact de la peau ; l’argent mat s’oxyde quand l’or reste intact et brillant. Inspiré par Ettore Sottsass et Cleto Munari, il crée une harmonie contrastée entre des formes géométriques, des mécaniques d’attache visibles et la rondeur de beaux volumes organiques. Ildar dit avoir toujours collecté des éléments sur la plage et dans la forêt pour créer des parures ; il nous livre aujourd’hui une version luxueuse de bagues, boucles d’oreilles, colliers, bracelets et broches pour offrir aux autres « la joie et la beauté ». À l’heure où les grandes maisons ont intégré le recyclage comme un élément incontournable de leurs productions, Ildar propose une interprétation de la transmission et du renouveau.
Le paradoxe de l’économie du recyclage veut que l’on concentre dans le nord-ouest de l’Inde une partie des 78 millions de tonnes de plastique produites chaque année pour les brûler dans une décharge à ciel ouvert. Au Gujarat, un groupe de femmes a entrepris de relancer l’économie locale en valorisant les déchets qui polluent dramatiquement le paysage. Elles collectent des sachets, les trient, les lavent et les torsadent en fils épais, pour les travailler sur des métiers à tisser. C’est avec ce textile synthétique que la créatrice réalise une gamme de sacs polychromes, auxquels elle ajoute des soufflets, des étiquettes et des anses en nylon provenant des surplus de l’industrie de son pays, le Danemark. Elle compose une palette éclatante d’après la variété de bleus, de verts, de noirs et de blancs tirés de ces matières premières récupérées pour créer des motifs graphiques bayadères et keffieh obtenus par tissage ou par ajout de bandes entrecroisées. Chaque cabas est unique et façonné selon un savoir-faire artisanal de tradition et de qualité sur des métiers à bras. La collection donne l’exemple enthousiasmant d’une expérience collaborative dont la conscience écologique et sociale sont la source.
La collection s’appuie sur le savoir-faire traditionnel d’artisans tresseurs rencontrés dans le nord du Ghana où la créatrice a résidé trois mois. Elle y a apporté ses connaissances en design d’objet et en design textile pour tenter de nouvelles formes et constituer des sacs qui se portent à la main, à l’épaule ou sur le dos. Ces accessoires se composent principalement de paille, localement appelée « herbe à éléphant », qui malgré sa modestie offre des reflets dorés et une souplesse qui permet de la retravailler, une fois tressée, selon les techniques empruntées à la chapellerie, à l’instar du trempage et du formage. Les volumes sont façonnés par l’assemblage des bases géométriques simples (cône, croix, parallélépipède, demi-sphère) qui prennent parfois des reliefs ondulés. L’ensemble est cerné d’anses larges en cuir noir dont la simplicité contraste avec le raffinement délicat de l’ouvrage des artisans. Éléments graphiques, ces lanières mates structurent les sacs autant qu’elles leur apportent une dimension décorative. La créatrice s’amuse à brouiller les pistes en garnissant certains contenants d’un pochon en fourrure de lapin noire que l’on ne saurait attribuer à la région de production. À travers cette expérience riche, elle a pu transposer un modèle de production local dans une forme de création collective contemporaine.
Première collaboration du duo, cette collection de foulards est également leur première tentative d’expression plastique autour de la narration et de l’ornement. L’intérêt qu’ils portent aux techniques de production les amène à choisir le twill de soie pour ses qualités respirantes et calorifères. Cette structure de tissage renforce la brillance de la matière ; couplée à l’impression au cadre, elle permet d’obtenir des motifs éclatants et profonds. À l’heure de l’impression numérique, ils se tournent vers la méthode artisanale et précise qui consiste à déployer le tissu sur dix mètres et à y appliquer les cadres par section, pour y reproduire le motif une couleur après l’autre, en cohérence avec l’écriture. Le textile est la page blanche sur laquelle ils racontent une histoire en quatre temps, librement inspirée des poèmes de Colette, de Paul Valéry et de Philippine Dutto. À la manière d’un alphabet, ils dessinent des lignes et des aplats qui se répètent, s’entrecroisent, se superposent, apparaissent et disparaissent d’un foulard à l’autre. Ainsi, un chapitre commence par la trame de fond – filets de pêche ou lignes du cahier – colonisée par des algues puis des bulles qui deviennent les perles d’un collier. Le grand format des carrés de cent vingt centimètres de côté rend possible la lecture du motif à plat ou porté, s’animant avec les mouvements.
Avec cette collection, la créatrice joue des incongruités de la production de masse dans l’industrie de la mode, question d’actualité à l’heure où les grandes enseignes de distribution bon marché annoncent plus de 40 % d’invendus. Pour matière première, elle utilise des chaussures récupérées auprès d’une marque française qui fabrique ses prototypes pour un seul pied. La paire étant incomplète, elle ne peut être vendue ou portée, la basket est donc destinée à la poubelle dès sa réalisation. Inspirée par l’artiste canadien Brian Jungen, elle déconstruit les modèles pour leur conférer une nouvelle fonction éloignée de leur utilité première. Les sacs sont construits par accumulation de morceaux éclatés réassemblés en amas sculpturaux ou mis à plat en façade décorative. Elle choisit majoritairement les cuirs blancs et noirs qu’elle contraste de détails rouges ou bleus, couleurs et lignes intenses qui caractérisent les équipements sportifs. Les lacets sont utilisés comme ornement, quand les étiquettes, volontairement agglomérées en masse, soulignent encore la surproduction. Une large gamme de sacs est représentée : banane, sac à dos, sac bowling, valise. Par le port de ces accessoires recyclés, l’utilisateur se fait le promoteur d’une prise de conscience qui apparaît chaque jour plus nécessaire et urgente.
Le duo tente de redéfinir le bijou ou plutôt l’interaction du bijou avec le corps. La collection est entièrement confectionnée en argent fin, matière pure et miroitante qui rappelle l’acier chirurgical. Ce dernier adjectif renvoie autant à la précision du dessin qu’à l’étude anatomique préalable à la définition des accessoires. Ils sont des prothèses, des extensions qui prolongent les lignes des organes, s’y glissent, y reposent, les cerclent ou les enveloppent. La boucle d’oreille est un crochet en spirale qui s’enroule autour du pavillon ou une pince rigide qui se place sur le lobe. Le bracelet de cheville est une lame épaisse qui souligne les reliefs de la malléole. Les bagues se portent au bout des doigts, telles des cages autour des ongles ou des gouttières entre les phalanges. La manchette enserre la tranche de la main, formant une carapace de protection. Ici, la géométrie des formes est radicale autant que les détails sont soignés ; aucune soudure n’est perceptible, aucun élément n’est ajouté aux épaisses baguettes métalliques qui sont légèrement biseautées pour le confort et la position parfaite pour les porter. La clarté du métal équilibre les volumes proéminents de ces bijoux qui semblent sortis d’une seule masse. Les deux créatrices projettent des formes singulières pour accessoiriser le corps, pour en modifier la silhouette et en corriger le contour.
La collection est née d’une collaboration entre une photographe malentendante et deux designers. Elle émane du constat décevant selon lequel les prothèses auditives marquent le handicap de façon indélicate, soit par un design grossier issu de l’univers médical, soit par la tentative vouée à l’échec de les dissimuler par des couleurs proches de la peau ou des cheveux. Le trio prend le parti d’assumer joliment cette particularité physique en dessinant des appareils auditifs performants autant qu’esthétiques : des bijoux avec un supplément technique au même titre que les lunettes de vue. « La prothèse est soulignée, prolongée, épaissie, gonflée, elle brille et devient remarquable. » L’ergonomie et le confort sont les contraintes principales, les courbes de l’oreille déterminant la base du dessin. Elles introduisent les composants technologiques dans un étui courbe qui s’adapte sur différents bijoux, du plus discret au plus ornemental. En expérimentant librement toutes les extensions, elles créent des volumes autour, au-dessus, sous ou devant l’oreille. Le jonc en or blanc ou jaune est courbé et accessoirisé de perles et de petites coques en verre coloré et poli. Une version relie les deux oreilles par une chaînette passée dans des anneaux généreux. Chacun y trouvera son bijou selon sa sensibilité et son envie, une façon enthousiaste de reconsidérer la prothèse comme un accessoire de mode que l’on convoite.
Formée à l’architecture, la créatrice s’est tournée récemment vers la mode et les accessoires qui ont toujours été sa passion. De cet apprentissage du bâtiment, elle garde l’intelligence des systèmes de construction. Grâce à une maille fine, faite de câbles en acier doré soigneusement assemblés à la main par sertissage, elle bâtit des accessoires en trois dimensions, qui peuvent se projeter à l’échelle du petit bijou autant qu’à celle de grandes parures qui se superposent aux vêtements. Elle articule ses volumes grâce à plusieurs déclinaisons du filet qui peut prendre la forme d’une maille extensible ou d’une chaîne selon la tension des fils qu’elle établit entre eux. Les points de jonction, outre leur fonction structurelle, donnent l’illusion de motifs d’une trame plus ou moins dense, un décor qui semble léviter autour du corps à la manière d’un tweed évidé. Elle crée ainsi une collection légère et précieuse qui utilise des matériaux issus de l’industrie. Elle rompt la sévérité de l’ensemble en laissant les fils libres en partie basse pour apporter plus de poésie aux colliers, boucles d’oreilles, manchettes, bracelets, sur-robe et étole. Grâce à ces deux visions, elle offre un équilibre habile entre technicité et émotion.
La collection est un manifeste, un processus global dans lequel l’intervention des créatrices porte moins sur la fabrication du bijou que sur ce qu’il symbolise. En opposition à la fast-fashion et au système régulé du marché, le duo tend à révéler la beauté organique brute disponible tout en nous rappelant qu’elle est périssable et fragile. Leur première action se limite à l’ajout d’un simple crochet de cuivre et d’argent sur des végétaux collectés (fleurs, feuilles, ail et piment) pour en faire des boucles d’oreilles, puis à en stopper la dégradation en les empaquetant sous vide dans des poches de plastique. C’est à l’étape de l’ouverture du sachet que l’acheteur prend conscience de sa responsabilité devant la nature, car l’action de l’air entame le processus de pourrissement du bijou éphémère et unique. En choisissant ce mode d’exposition, signaler en isolant, le duo cadre des éléments désuets qu’on se surprend à vouloir posséder, mais pour combien de temps ? Elles questionnent, avec ironie parfois, le modèle économique qui régit nos modes de vie, une interprétation contemporaine des vanités de nos musées. Memento mori.
Après s’être exercé auprès de plusieurs malletiers de luxe, le designer se lance dans une collection personnelle qui mêle les savoir-faire d’exception aux techniques traditionnelles de pliage japonais accessoirisés de pièces standards du commerce. Loin de les opposer, il les harmonise dans des camaïeux de beige, de brun et de bleu sombre qu’il applique autant aux cuirs, aux tissus précieux tel le brocart, qu’à des textiles synthétiques et des pièces d’emballage en plastique. Sa gamme de sacs se caractérise par des points d’attache multiples qui permettent de cumuler et d’interchanger des pochettes et des bandoulières de différentes longueurs et largeurs dans des matières assorties. Les surpiqûres blanches, les fermetures à glissière et les mousquetons en métal chromé sont placés comme les signaux de ces hybridations qui donnent lieu à des combinaisons variées de textures, de formes et d’utilisation. Il crée ainsi des ponts entre des techniques et des matériaux éloignés ouvrant un champ inépuisable de création.
Pascale Arnaud ⁓ Laetitia Bica ⁓ Teresa Eng ⁓ Sarah Mei Herman ⁓ Allysa Heuse ⁓ Jaakko Kahilaniemi ⁓ Csilla Klenyanszki ⁓ Sanna Lehto ⁓ Eva O'Leary ⁓ Aurélie Scouarnec
Au sein d’un spectre gris, du clair de lune au basalte, de la transparence à l’obscurité profonde, des corps, tous féminins, révèlent leur plasticité. Oubliées les poses lascives, remisées les attitudes convenues ou les lumières complaisantes : ce n’est pas là sa matière. Pascale Arnaud trouble les apparences, puisque dans cet âge qu’elle veut dépeindre, défini en creux entre l’âge adolescent et adulte, il est peu de place pour les lignes claires et les tracés francs. Elle entame alors une exploration proprement photographique : c’est dans la matière même de l’image qu’elle entreprend de traduire la réalité de cet âge du devenir, de l’émergence. De cette enveloppe grise n’exsude aucun indice sur l’identité du sujet. Les jeunes filles sont des figures symboliques, caryatides de sels d’argent qui portent haut leurs désirs. Cadrages serrés sur corps fragmentés, poses contorsionnées et visages démasqués : la manière photographique fait émerger de ces zones grises la puissance et la vulnérabilité à l’œuvre dans ces années où l’être entre seul dans le monde pour y chercher son assise. Vu en contre-plongée, un colosse aux pieds d’argile vient rappeler toute l’ambivalence et l’incertitude échues à l’âge des grandes espérances.
Pascale Arnaud (1994) est diplômée de l’École de l’image des Gobelins. Elle reçoit pour sa série Emerging Adulthood le prix Picto. Elle expose à la Fisheye Gallery, Paris (2018) et précédemment au festival de Hangzhou en Chine et aux Promenades photographiques de Vendôme (2016).
Tant expérience plastique dérangeant la surface tranquille de la photographie que récit d’atelier à caractère documentaire, la série Cream de Laetitia Bica ne se laisse pas contraindre dans un genre. Après deux années de collaboration avec l’atelier du CREAHM à Liège (Créativité et handicap mental), la photographe a mené deux mois de recherches assidues avec les artistes de l’atelier, à l’issue desquels a émergé ce corpus d’images chahutées et vibrantes. La collaboration, processus de création qui est par ailleurs le quotidien de la photographe habituée au contexte de commande avec les mondes de la mode, de la musique ou du design, passe ici par le corps. Gestes, couleurs et matières seront leurs éléments de langage au cours de leurs échanges créatifs. Se déploie alors une suite de figures couvertes de peintures aux traits épais et francs et aux accents tantôt fauves, tantôt guerriers. Quelques images disposées en séquence suivent le mouvement d’un artiste, à charge pour elles de restituer le caractère in progress de l’expérience et de pointer le double positionnement de Laetitia Bica dans ce qui prend les atours de pratiques quasi rituelles : à la fois actrice et maîtresse de cérémonie.
Laetitia Bica (1981) a étudié à l’École supérieure d’art de Saint-Luc, en Belgique. Parmi ses expositions récentes, citons celles tenues dans le cadre de Art Brussels (2018), au musée de la Boverie, Liège au sein de la Biennale de l’image possible (2018) ou encore lors de la Design Week au Palazzo Litta à Milan (2017).
Fille d’émigrés chinois au Canada, Teresa Eng avait de la Chine une vision imaginaire et fantasmée, jusqu’à ce qu’elle décide de s’y rendre. La mesure du contraste entre le rêve chinois qu’elle avait construit et la réalité d’un pays au développement effréné, aurait pu donner lieu à un documentaire qui ne nous aurait rien épargné de la démesure de la Chine contemporaine. Teresa Eng, au contraire, choisit de fuir l’évidence documentaire et la limpidité stylistique qui lui est attachée. Sa Chine à elle semble évoluer sous un voile brumeux. L’ici et maintenant s’effacent, les signes de la frénésie urbanistique – abondamment illustrés par la photographie contemporaine – sont éludés, éventuellement traités par ellipses. Une chevelure infinie se mesure effrontément aux courbes d’une architecture moderne signée : à pas de velours, Teresa Eng tourne le dos aux injonctions de la Chine moderne. Qui de la pierre qui se dresse dans son pot de céramique ou du pilier de béton érigé dans les eaux mérite l’attention ? La Chine de Teresa Eng semble naviguer entre les berges du progressisme capitaliste (China Dream, le titre de la série est aussi un slogan populaire du président Xi Jiping, se référant lui-même à l’American Dream) et celles d’une nostalgie romantique, orientaliste.
Teresa Eng (1977) est diplômée de l’université Emily Carr à Vancouver et du London College of Communication. Parmi ses expositions récentes, notons Snapshot to WeChat : A Migration of Identity, Open Eye Gallery, Liverpool (2018) ; You and Me, Landskrona foto festival (2017) et Roads Less Traveled, TIFF festival, Varsovie (2016).
Quelques rencontres fortuites, au détour du campus de Xiamen, en Chine, où Sarah Mei Herman se trouvait en une résidence, ont constitué simultanément le point de départ d’une relation d’amitié et d’un récit photographique. À l’instar de son autre série en cours, explorant la relation entre son père et son frère depuis une quinzaine d’années, la photographe néerlandaise installe son regard dans la durée. Initialement à Xiamen pour une résidence de quatre mois, elle y retourne plusieurs fois, menée par la série qu’elle y a entamée et les liens qu’elle y a noués. Elle retrouve certaines des jeunes filles qu’elle avait photographiées et file avec elles une trame constituée de moments quotidiens, intimes. La Chine trépidante, bruyante, a fait place à un environnement dépouillé et silencieux, fait de gestes délicats, qui laisse se déployer dans le champ ouvert par l’image ces moments de sororité. La palette lumineuse et douce de Sarah Mei Herman procède de cette même délicatesse de traitement et vient renforcer le sentiment d’empathie existant entre ces jeunes filles et celui patiemment nourri entre elles et la photographe.
Sarah Mei Herman (1980) a étudié à l’Académie royale des Beaux-Arts de La Haye puis au Royal College of Arts à Londres. Elle a exposé notamment dans le cadre de Jimei x Arles : East West Encounters au festival international de Xiamen, en Chine (2017) ; à la nuit des Images au musée de l’Élysée à Lausanne (2017) et au Château d’Eau de Toulouse (2014).
Parcourir les photographies d’Allyssa Heuze, c’est, on s’en aperçoit vite, prendre un chemin et, inopinément se retrouver sur un autre. Un toboggan nous mène à une paire de fesses ceinte d’un cerceau, un joueur de base-ball frappe dans le mille et aboutit aux deux petits seins que dessine le profil ombré de deux pommes rondelettes, ou encore à ceux contemplés par un autre jeune homme, tête engloutie par un t-shirt. Les références au jeu émaillent le parcours labyrinthique entre les images d’Allyssa Heuze : jeux de balles, jeux d’équilibre et jeux de rôles. Le terrain de prédilection de la photographe, celui dans lequel elle semble se plaire à échafauder ses mises en scène et ses scénarios absurdes, c’est le studio. Il s’y plie volontiers ce cube blanc où l’on peut se laisser accroire que le réel, le temps de la prise de vue, n’a pas de prise. Elle y convoquera ses amis, une banane et des donuts, un volcan en éruption et un avion vulve dans un inventaire d’autant plus burlesque qu’il se décline dans un vocabulaire photographique précis, quasi clinique. Lumière équilibrée, reflets maîtrisés, composition soignée : l’ensemble a tous les atouts d’un style à la cosmétique parfaite que la photographe – qui en connaît assurément tous les codes – s’amuse çà et là à faire riper.
Allyssa Heuze (1994) est diplômée de l’École de l’image des Gobelins. Elle expose dans le cadre du festival Circulation(s) sa série OÏ à la galerie Madé (2018) et participe à l’exposition collective CO-OP à la foire Unseen, Amterdam (2017).
Voici plus de vingt ans, Jaakko Kahilaniemi, alors âgé d’à peine huit ans, héritait de 100 hectares de forêt. À l’abstraction que cela représente pour un enfant, succède l’indifférence que cela suscite chez l’adolescent. Après tout, rien de très exotique pour un Finlandais : la forêt couvre plus de 70 % du territoire, totalisant 26 millions d’hectares. Assez récemment, le photographe décide de se retourner enfin sur cet héritage pour en explorer les méandres. Ce travail, intitulé 10 Hectares of Understanding soit « 100 hectares de compréhension » retrace son cheminement vers une tentative d’appropriation de ce territoire trop grand pour un seul – jeune – homme. La photographie sera donc le lieu où sédimenter l’expérience du paysage tel qu’il est parcouru, corporellement, mentalement, sentimentalement. Ces explorations mêlent traversées physiques et incursions numériques, panoramas photographiés et paysages peints. Aux vastes étendues brumeuses, le photographe adjoint la nature morte d’un petit rondin de bois reposant sur une balance ou de simples brindilles sur fond noir : de l’infiniment grand à l’infinitésimal, chaque photographie constitue une pièce d’un grand jeu de mémoire dont le périmètre, on peut l’imaginer, croît à mesure que le photographe marche et que l’homme grandit.
Le temps à l’œuvre, ce temps qui court, toujours trop court, c’est à lui que s’adresse Csilla Klenyanszki dans ses jeux photographiques et performatifs. La démarche artistique est connue certes, elle se définit en une somme de contraintes qui pourraient ici se résumer de la sorte : la sieste quotidienne d’un enfant, le cadre domestique imposé par cette sieste, soit trente minutes pour créer. Pillars of Home est une suite aussi vertigineuse qu’absurde de variations sur un même thème. En une demi-heure chrono, dans ce cadre exigu et avec pour seuls outils plantes vertes, gobelets en plastique, aspirateur, table, chaise, théière et autres ustensiles (à l’inclusion de son propre corps objet qu’elle n’hésite pas à mettre à contribution et en contorsion), l’artiste apporte quatre-vingt-seize réponses maintenues en équilibre fragile entre le sol et le plafond de son appartement. On s’amuse de l’une, on s’étonne de l’autre. Aucune pourtant n’imposera sa supériorité, car plus que la forme, c’est le processus et l’accumulation d’expériences dont la photographie vient témoigner : non la belle sculpture ou le savant assemblage, mais la geste d’une artiste qui oppose au temps une facétieuse et vitale fantaisie. Éphémère, oui, mais certainement pas dérisoire.
Csilla Klenyanszki (1986) est diplômée de l’Académie Willem de Kooning, Rotterdam. Son travail a récemment été exposé dans le cadre d’Art Rotterdam (2018), à la Trapez Gallery, Budapest, (2018) et au Polana Institute, Varsovie (2017).
Quelque chose coule, lentement, peut-être un sirop, pourtant rien de sucré ne se dégage des images de Sanna Lehto, plutôt un fond doux amer qui repose tranquillement. Au sein de ce monde ouaté, sous cloche, la petite fleur a troqué son innocence pour venir s’éteindre à la surface des visages, le fluide a abandonné sa légèreté et son mouvement pour gagner en pesanteur. Dans l’espace photographique de Sanna Lehto, l’air est rare. L’image tantôt rougit, tantôt pâlit : la palette chromatique varie du rouge carmin ou rose chair, comme si ces visages encapsulés entre la lentille de verre et le capteur respiraient doucement. Une sorte d’herbier photographique, voilà ce qu’elle semble dresser au travers de ces portraits et natures mortes. Le processus créatif en est d’ailleurs assez proche, la photographe cueille et collecte, lors de ses balades estivales, des fleurs glanées dans le paysage finlandais ; elle en achète parfois, guidée par la vision d’une harmonie colorée plutôt que par une quelconque symbolique. Souvent, elle les fait sécher puis attend le cadre visuel adéquat pour les disposer cette fois dans le champ photographique. On l’imagine ainsi de retour dans son studio, épinglant patiemment ces spécimens un à un, au gré des rencontres et des stimuli visuels.
Sanna Lehto (1990) est diplômée de photographie de l’Ecole d’art, d’architecture et de design à l’université Aalto d’Helsinki. Elle a récemment exposé sa série Morphologies à la Gallery Kosminen, Helsinki (2017).
Sanna Lehto Red, Morphologies, 2016
Sanna Lehto, Untitled, Morphologies,
2016
Sanna Lehto, In
Bloom
Boules
d’oreilles
‘Treasures’,
Matias
Liimatainen
La peau parfaite et l’image lisse qui va avec, la cosmétique de la photographie commerciale, Eva O’Leary en connaît ingrédients et recettes. Elle aussi, adolescente, en a mangé de ce gâteau, qu’artiste elle nous présente sur un plateau. Dans un réfrigérateur repose une génoise flanquée d’un glaçage imprimé : une jeune femme très sucrée au brushing parfait nous regarde. Puisqu’il se dit que la vengeance est un plat qui se mange froid, c’est là le sort que la photographe réserve au diktat de la jeune femme blonde au sourire Colgate. Elle a grandi aux États-Unis dans une ville campus au nom en forme d’injonction – Happy Valley – se souvient de ses années à masquer sa tête d’Irlandaise dans la capuche du sweat Abercrombie de rigueur. Enracinée dans sa ville et ses souvenirs adolescents, la série Happy Valley décrit un environnement intrusif et inquiétant, modelant des êtres dont on aurait troqué l’identité propre contre un corps générique. Avec ce plus récent Spitting Image, c’est l’avant, la vulnérabilité adolescente qui est exposée. Des jeunes filles d’une quinzaine d’années se présentent à nous, cadrées serré sur un fond bleu vibrant qui ne concède ni échappatoire au regard, ni respiration au modèle. Eva O’Leary adjoint ces photographies de vidéos : juchées sur leur tabouret, on les observe cherchant devant le miroir celles qu’elles espéreraient y trouver. Dans cet intervalle, la photographe rouvre le champ des représentations et avec lui, la liberté d’être complexe, différent, incertain, singulier, humain.Après un diplôme de photographie à CalArts en Californie puis à Yale, Eva O’Leary (1989) s’est vu consacrer notamment trois expositions personnelles en 2017 : Happy Valley, Meyohas, New York ; Concealer, Vontobel, Zurich et Spitting Image, Crush Curatorial, New York.
Eva O’Leary, Korell, Spitting
Image, 2017
Eva O’Leary, Hannah,
Spitting Image, 2017
Eva O’Leary, Nature Nurture
Rouge à lèvres
Rouge Allure
velvet 66,
Chanel
C’est aux monts d’Arrée, dans le Finistère, en Bretagne, qu’Aurélie Scouarnec a réalisé la série Anaon, exploration sensible de ce qu’elle nomme « les marges du visible » de ce territoire légendaire. Nourrie des textes des écrivains Anatole Le Braz et François-Marie Luzel, elle entreprend une enquête photographique, à la recherche des persistances de rites et de contes anciens dans ces massifs rocheux. Porte de l’enfer selon les croyances, elle y croise la présence fantomatique de quelques animaux dits psychopompes, en charge d’escorter les âmes au royaume des morts. En d’autres endroits, elle rejoue le syncrétisme propre au territoire des Monts et mêle d’un même geste silhouettes féminines voilées – d’emblée associées à la chrétienté – et silhouettes sylvestres monumentales, lieux de cultes païens. Le vert abyssal des mousses et le noir profond de la nuit sont par instants réveillés par le cri de la lune et les animaux peut-être surpris par le mouvement des lourdes étoffes. Récits lus, entendus, survivance de rites anciens et formes de druidisme contemporain, tous sont ici invités à prendre place dans cet autre récit fantasmagorique qu’Aurélie Scouarnec échafaude, photographie après photographie.Orthophoniste de formation initiale et photographe autodidacte, Aurélie Scouarnec (1990) a exposé récemment sa série Anaon dans le cadre d’Itinéraires des photographes voyageurs, Espace Saint-Rémi, Bordeaux (2018), des Rencontres photographiques du Xe arrondissement de Paris (2017) et des Nuits photographiques de Pierrevert (2017).
Aurélie Scouarnec, Frozen Stone,
Boîte à bijoux en cristal de roche, Chanel
Aurélie Scouarnec, Beltan, Anaon, 2017
Aurélie
Scouarnec, Frozen Stone
Boite à bijoux
en cristal de
roche, Goossens
Paris, Métiers
d’art de Chanel
Le duo rend un hommage joyeux au style inné des Caribéens, célébrant la capacité des anonymes à embellir leur quotidien difficile en détournant des éléments trouvés. La collection se compose d’un assemblage en trois dimensions de pièces de la garde-robe classique des messieurs, accommodées de sportswear et de détails désuets que l’on croirait récoltés sur la plage. Les filets de pêche colorés sont détournés en ceinture ou en maillot, les sacs plastiques bigarrés sont portés en foulard ou servent à tisser un bustier. Les semelles de chaussures de ville rehaussent les baskets d’une plateforme imposante. Un morceau de casquette assemblé aux restes d’un chapeau de paille constitue un couvre-chef altier. Les tenues sont accessoirisées de bouées gonflables enfantines ou de pistolets à eau échoués sur le rivage. Les costumes prince-de-Galles, trop grands, sont retravaillés et décomposés pour créer des volumes débraillés qui dévoilent des vestes de sport ou des t-shirts graphiques. En guise d’ultime appropriation de ces éléments abandonnés, de grands patchs et des broderies siglent partout la collection du nom de ses créateurs. Les vêtements racontent la vie de ceux qui les portent et leur aspiration à l’insouciance.
La créatrice défend une mode flamboyante et s’autorise toutes les excentricités de la haute couture hors des préoccupations mercantiles. Elle crie l’amour irrépressible qu’elle voue à son art à travers la fable d’une jeune femme tiraillée entre sa volonté de plaire au garçon qu’elle aime et sa passion pour le vêtement. Chaque silhouette raconte une étape de ce conte doux amer, où l’esthète tente de ne pas effaroucher son discret amant avant de lui préférer l’extravagance de sa garde-robe. On la découvre dans une jupe majestueuse, peinte à la main, portée sur une veste et un pantalon d’organza de soie blanche décorés de grands disques de velours rouge découpés au laser. On la suit habillée d’une tenue opulente composée d’un haut porcelaine imprimé de fleurs bleues et d’un jupon de tulle à traîne rose pâle qui gonfle un tablier en satin grenat. Puis, la fantasque maîtresse se prend à porter un tailleur-pantalon en coton dont le bleu vif et la démesure des accessoires trahissent la personnalité qu’elle tente de réprimer. Pour faire le deuil de son idylle impossible, elle se repliera dans un grand manteau noir plissé avant de renaître vêtue d’une crinoline aux couleurs vives qui dessinent de grandes fleurs appliquées en touches expressives.
La galaxie créative de la designer est bouillonnante, un tourbillon qui aspire tous azimuts des éléments biographiques matériels et figurés, où tout est source d’inspiration et de production : ses racines majorquines, son éducation, la générosité familiale, le savoir-faire de sa grand-mère brodeuse, la vie madrilène, l’emballement de travailler enfin dans la mode, l’amitié, les filles, les garçons, les paillettes, les discothèques, la communauté, la conscience d’appartenir à l’univers. De ce folklore naît une collection troublante, faite de silhouettes exagérées protégeant le corps au sein d’un cocon bigarré, en tissus recyclés, qui impose des figures féminines puissantes et fertiles. Entourées de tentacules de textiles hétéroclites, les muses imaginées par Manuela Fidalgo sont insaisissables autant qu’elles sont désirables. Elles portent des robes amples parées de franges de tissus froncés et rappellent l’image de danseuses de flamenco, d’aventurières ou de guerrières. La créatrice puise dans les ressources artisanales les coupes, les matières et les accessoires en multipliant les signes qui renseignent, aussi bien qu’ils lancent sur de fausses pistes. La femme matrice est une allégorie de la communion avec la terre.
Inspirée de la mode futuriste des années 1960 et des courses automobiles de la décennie suivante, la collection est une succession de silhouettes rutilantes qui déboulent sur le catwalk comme les monoplaces sur la piste. La créatrice emprunte à ses prédécesseurs des coupes ajustées à la taille fine et des épaules marquées qui dégagent un port de tête altier. Les bas des robes sont évasés et fluides, dynamisés par des tissus plissés et des coupes dans le biais où s’animent les motifs. Les tissus entièrement recouverts de sequins sont sur-imprimés de bandes aux couleurs vives qui rappellent les carrosseries étincelantes et les combinaisons des pilotes bardées d’autocollants. Ici un damier, là des slogans écrits en lettres capitales, superposés à de larges rayures et à des numéros plastronnés sur le buste. La générosité des courbes et la dynamique des vêtements sont amplifiées par le textile brodé de milliers de petits disques métalliques qui accrochent la lumière, glissant du jaune à l’orange, du rouge au rose, du violet au bleu, une cotte de maille moderne que la créatrice qualifie « d’armure ». Parées pour la vitesse de la vie d’aujourd’hui, les femmes d’Anna Isoniemi appartiennent à l’écurie des leaders glamour que rien n’arrête.
Composée de matériaux de récupération, la collection est une alchimie entre la mode victorienne, un courant mystique des années 1960 et les cuirs carrossés des motards.
Le rouge et le noir s’y déclinent dans des superpositions rapiécées de peaux, de laine, de tulle, de dentelles et de soies. Les ceintures sont détournées en corset, les t-shirts déconstruits se déploient en robes, les pelotes détricotées frangent les manches. Caparaçonnées dans leurs blousons coqués, les sorcières xandrianiennes (tradition issue du néopaganisme) sont des apparitions troublantes, des visions interférentes d’images féminines, romantiques et rock, et de robes transparentes froufroutées portées sur des pantalons craqués qui laissent entrevoir des parcelles de broderies délicates sur les cuisses. De ces silhouettes puissantes pointe l’érotisme envoûtant de jambes nues chaussées de bottes ouvertes, de bustes qui se devinent à travers les mailles de mesh synthétique entouré de lacets.
Le murmure des membres de la sororité se chuchote à l’orée du bois les nuits de pleine lune.
Urbaine et contemporaine, la collection est une version luxe des visions psychédéliques que la musique de Franck Zappa inspire à la créatrice. Adolescente, elle explorait des échappatoires à l’ennui de sa morne banlieue, aujourd’hui elle synthétise ses divagations dans une palette sobre en utilisant des matières nobles et du denim recyclé pour dessiner des vêtements aux dimensions exagérées. Les jeans délavés se retrouvent dans chaque tenue, ils apparaissent en pantalon large, puis sont décousus à l’entrejambe pour se transformer en jupes, sont fendus, raccourcis et superposés comme autant de perturbations du réel. En haut du corps le cuir épais est porté sur de grandes chemises immaculées en popeline de coton, il est tricoté en sweater court à motifs graphiques ou coupé en blouson noir verni surligné de larges ondulations blanches. La couleur émerge en arcs-en-ciel dilués dans les motifs sinueux tout droit sortis des années 1970. Elle s’imprime sur des chemises démesurées qui sont portées en robe sur la peau nue, ou teinte les grosses mailles d’un pull-over nonchalant qui recouvre les mains. Des boutons et boucles de ceinture en verre déformé enrichissent l’ensemble.
C’est en dessinant des costumes pour femmes actives, des atours pour affirmer une position sociale, que la créatrice s’est confrontée à une limite de taille : il lui était impossible d’entrer dans ses prototypes et elle dut les agrandir. Cette expérience peu concluante, la poussa à reconsidérer l’équilibre entre le vêtement et le corps. Plutôt qu’un cache ou une carapace, elle conçoit l’habit comme un révélateur, un accessoire qui met en valeur la beauté singulière. « Je veux habiller toutes les femmes dans cette même idée, avec le même amour. » Elle joue avec des matières transparentes qui dévoilent des zones de la peau et avec des textiles qui soulignent ses caractéristiques : l’élasticité, la brillance, les défauts. Cette enveloppe primaire redevient l’élément essentiel de la silhouette, sa qualité distinctive et unique. Mais le vêtement ne s’efface pas pour autant, il permet de marquer la taille, d’exagérer la cuisse, d’amplifier la poitrine ou les hanches. Les couleurs sont contrastées, les tissus froncés et ornés de bijoux scintillants. La collection célèbre la chair, elle replace l’humain au centre de l’attention, lui rendant force et assurance.
Dans sa jeunesse, Gabriël était pêcheur de requins dans le sud de l’Espagne. Quelques décennies plus tard, un garçon recevait une maquette de bateau en bois façonnée par ce grand-père qui lui transmit sa fascination pour la mer. Devenu créateur de mode, le garçon puise dans sa mythologie familiale pour dessiner une allégorie de la tempête, une série de tableaux dans lesquels le corps féminin semble submergé par les vagues. Accompagné par le laboratoire du TextileMuseum de Tilburg, Jef Montes sélectionne des matériaux utilisés dans la marine, comme le nylon, le cuivre, le carbone et la fibre de verre, pour développer des tissages techniques. Les vestes, les pantalons, les combinaisons et les robes enveloppent les silhouettes d’un noir aussi profond que l’océan qui s’anime en ondulations argentées sur la peau. Les fibres synthétiques recouvrent les bras, éclaboussent le cou ou déferlent sur les cuisses, se scindant en milliers de fils en mouvement qui font miroiter la lumière. Le créateur tente de dépeindre son émoi, son attirance irrésistible pour la beauté tumultueuse de la mer déchaînée.
La créatrice puise son inspiration dans la scène artistique russe des années 1980 et particulièrement dans les images des idoles du rock et du cinéma de cette jeunesse éprise de liberté. La collection est un hommage à sa mère, actrice anonyme de cette émancipation risquée, qui, comme ses camarades lors des camps d’été, peignait et cousait des slogans à l’intérieur de son uniforme pour échapper au contrôle des surveillants. Chaque pièce de la collection est travaillée à la main sur la base du vestiaire masculin agrandi : trench-coat, manteau, veste ou chemise classiques, salopette de travail et quelques standards de la mode des années 1980 : blouson, sous-pull à col roulé, bandana, boucles d’oreilles et badges. Ils sont utilisés comme les supports d’impression et de peinture pour superposer les images résiduelles qui persistent dans la mémoire collective. Désormais, les paroles de chansons et les photographies (provenant de la collection familiale) s’affichent en grand, en rouge vif, en orange ou en jaune acide qui réchauffent la palette sombre des costumes du passé. Teintures et décolorations troublent la lecture des souvenirs partiellement effacés dont les bribes réapparaissent clairement sur des patchs appliqués çà et là. Le vêtement se fait l’étendard de la liberté et de la fougue que chaque génération porte en elle.
Bouquet évanescent, la collection peut s’interpréter comme la tentative de représenter le caractère périssable de la nature. La créatrice s’interroge : ce qui nous éblouit aujourd’hui disparaîtra inexorablement demain, y aurait-il une façon d’éterniser la beauté ? Elle propose ici d’en fixer des instantanés. Le flux vital parcourt chaque tenue, il se manifeste par la couleur passant du pourpre au rose pastel, du jaune tendre au blanc opalescent s’évanouissant peu à peu pour n’être plus perceptible que par le scintillement de cristaux argentés. Les silhouettes frêles sont drapées dans des robes et des jupes en soie fluide brodées de perles. Pour protéger ses figures délicates, Regina les entoure de grands manteaux translucides composés de fleurs capturées dans du silicone, et les chausse de larges bottes souples constellées de paillettes. Tels des sursauts énergiques, quelques vêtements rouge vif réveillent les gracieuses pour que jamais elles ne disparaissent. Mêlant les matières précieuses aux compositions synthétiques, les tenues réalisées à la main immortalisent un charme en suspens.
Pour le festival, Bettina Rheims explore, avec la complicité du styliste Jean Colonna, ses années L.A. et la très prolifique relation créative qu’elle entretient, entre 1994 et 1997, avec Bill Mullen, fashion director du magazine Details. Ensemble, ils réalisent pendant ces trois années des séries convoquant les étoiles de la galaxie hollywoodienne, des acteurs et actrices aux chanteuses et musiciens. Visages de la culture pop des années 1990, ils donnent corps dans ces pages aux créations d’autres grands noms de ceux qui ont signé la décennie, d’Helmut Lang à Martine Sitbon, de Versace à Jean Colonna. À l’heure où peu photographiaient la mode sur la côte Ouest, Bettina Rheims trouve dans cette ville schizophrène -entre les néons blafards des motels et le soleil irradiant de Californie - matière à des mises en scène où la capacité de jeu de ses modèles rencontre le puissance d’évocation des sets choisis, du motel run down aux bords de piscine d’un bleu trop profond. La palette chromatique participe à cette fictionnalisation de la photographie de mode à l’œuvre dans la décennie 1990, Bettina Rheims en sera une des grandes auteures. La couleur, encore elle, alternant harmonie et disruption, suit les riffs de la bande originale de Bettina and Bill pendant ces trois années, entre ballade et rock.
Bettina
Rheims
De sa série sur les stripteaseuses de Pigalle (1980) qui marque le début de sa carrière, au cycle sur la vie de Jésus dans I.N.R.I.(1998), des portraits d’animaux empaillés dans la série “Animal” (1982) à son travail sur le genre dans « Gender Studies » (2011), la photographie de Bettina Rheims bouscule l’iconographie et les thèmes traditionnels. L’une des séries majeures, « Chambre Close » (1990-1992) – la première en couleur – marque le début de sa collaboration avec le romancier Serge Bramly.
Plusieurs institutions ont consacré des expositions rétrospectives à son travail : le Kunsthal, Rotterdam et le Moscow House of Photography, Moscou (2006), le C/O Berlin et le FORMA, Milan (2008), la Maison Européenne de la Photographie de Paris et le Fotografiska Museet de Stockholm (2016).
Un ouvrage rétrospectif qui rassemble plus de 500 photographies réalisées durant 35 ans de sa carrière, a été publié par les Editions Taschen en 2016. En 1995, Bettina Rheims a réalisé le portrait officiel du Président de la République Jacques Chirac. Il la décorera des Insignes d‘Officier de la Légion d’Honneur pour l’ensemble de son travail en 2007.
Toute création de mode est une alchimie. Dans le cadre du trente-troisième Festival International de Mode, de Photographie et d’Accessoires de Mode à Hyères, CHANEL met à l’honneur les savoir-faire uniques de la Maison Lemarié. À l’origine, en 1880, un petit atelier du faubourg Saint-Denis célèbre le culte des plumes qui ornent les chapeaux et les boas destinés aux cabarets. L’époque est folle. Les plumassiers sont alors plus de trois cents à Paris.
Peu à peu la Maison évolue, étend son domaine de création à la confection de fleurs. Lorsque Gabrielle Chanel fait du camélia l’emblème de sa Maison, elle se tourne naturellement vers André Lemarié, petit-fils de la fondatrice Palmyre Coyette. Nous sommes en 1960. Des rêves de la couturière et de l’habileté manuelle des artisans, des centaines de fleurs viennent orner désormais les collections de la rue Cambon. Dahlias, pivoines, œillets, anémones, pavots, tulipes, orchidées ou roses se déclinent en organza, mousseline, tulle, cuir, velours… À cela Lemarié apporte son excellence dans la couture (incrustations, volants, smocks sophistiqués…) et la réalisation de plissés. Quatre savoir-faire, carré d’as, qui construisent la réputation du plumassier.
Lorsqu’en 1996, Lemarié rejoint les Métiers d’art de CHANEL, toute la créativité, l’audace et la modernité qui composent sa notoriété s’expriment saison après saison, sur les dix collections annuelles dessinées par Karl Lagerfeld pour CHANEL. Une excellence proposée également aux plus grands noms de la mode. Si le dynamisme fait partie des arcanes et du succès de la Maison Lemarié, il se voit renforcé lorsqu’en 2010 la créatrice française Christelle Kocher est nommée directrice artistique de la Maison. Cette diplômée de la Central Saint Martins, qui a plus de quinze ans d’expérience dans le domaine des marques de luxe, et son propre label depuis 2015, fait mouche grâce à sa capacité à mixer les techniques traditionnelles de broderie, de plumes et de maille à son esthétique urbaine. Une manière de faire découvrir l’aspect artisanal de son travail.
S’ouvrir au monde et partager des gestes, un savoir-faire, une maîtrise. Faire le lien entre passé, présent et futur. Interroger la création. L’artisanat. Le luxe. La mode. Poser la question de l’inspiration et de la transmission, c’est précisément l’objet de l’exposition présentée à la villa Noailles. Images et mots nous font voyager dans le secret des gestes précis des artistes artisans : couper, gaufrer, coller, assembler, frisotter, effilocher, plisser, incruster. Sur une structure métallique posée au centre de la pièce, des photographies en noir et blanc explicitent les gestes tandis que les mots semblent suspendus dans l’air. Sur les quatre murs, apparaît le résultat de ces quatre savoir-faire (fleurs, plumes, plissés, couture), de ces heures passées, de ces habiletés aux noms étranges, de ces matières transformées, objets que l’on retrouve animant les modèles signés par CHANEL.
On se souvient de ce tailleur noir et blanc en organza orné de pliages « cocotte » en coton et fleurettes en cuir du défilé CHANEL Haute Couture automne hiver 2013-2014. Ou encore de la soie plissée et des plumes qui habillent une robe et une cape, peintes de motifs rappelant le marbre romain, invités du vestiaire franco-italien présenté lors de la collection des Métiers d’art de CHANEL « Paris à Rome » en 2015-2016. Effet de détournement et de surprise lors du dernier défilé des Métiers d’art « Paris-Hamburg », où l’organza d’une robe est recouvert de plumes blanches peintes à la main de larges rayures horizontales bleues dans un esprit marinière. Un trompe-l’œil bluffant de beauté. Si vivantes ces fleurs et ces plumes nées de l’artifice et qui cependant nous rappellent des jardins, des chants d’oiseaux. C’est le miracle des Métiers d’art de transférer toute la créativité de la nature dans des étoffes et des matières sans cesse innovantes et pourtant traditionnelles. De les rendre à la fois précieuses et proches. CHANEL affirme son identité unique par cette invitation à découvrir et apprécier la tradition vivante de l’univers de la Maison Lemarié.
Touche-à-tout de talent, Pierre Marie explore aussi bien la mode que le design et la décoration. Plutôt que des titres présomptueux, il préfère se définir, simplement, comme un dessinateur. Depuis ses débuts, il a signé des dessins pour de prestigieuses griffes parisiennes comme agnès b, A.P.C., Carven, Chloé ou Sonia Rykiel. Et cela fait dix ans qu’il collabore étroitement avec la maison Hermès. Le projet Les pyjamas de Pierre Marie, pour la villa Noailles, lui offre l’occasion de continuer d’expérimenter, librement, les possibilités de l’imprimé.
Son choix s’est porté sur le zodiaque astrologique dont on retrouve des traces dès l’Antiquité. Étymologiquement, zodiaque signifie, en grec, « cercle de petits animaux ». Ce qui l’intéresse, c’est que ces douze éléments singuliers, ayant une existence autonome, composent une unité lorsqu’ils sont ensemble. Il renouvelle ce bestiaire en cherchant à rattacher chaque signe à une histoire particulière. « Dans l’histoire de l’ornement, l’homme décore les objets avec des éléments qui l’entourent » observe-t-il. Chaque imprimé fait l’objet d’un traitement spécifique : Castor et Pollux, les jumeaux des Gémeaux, deviennent des chèvres au menton proéminent, le Lion saisit à bras-le-corps l’astre solaire, un Taureau semble prêt à pénétrer dans une arène de corrida, le Poisson devient une forme abstraite de par son échelle, le Bélier est représenté dans un médaillon rappelant les monnaies antiques… Les différents modes narratifs permettent de s’intéresser, également, à des animaux agressifs, comme le Scorpion, rarement utilisés de nos jours, en gommant leur côté effrayant.
L’amusement vient parfois des contraintes. « Dans jeu, il y a règles du jeu » rappelle, avec esprit, Pierre Marie. Tout d’abord, chaque imprimé est créé pour que le motif puisse se répéter à l’infini. Ensuite, il est essentiel pour lui de montrer les dessins sur un vêtement afin d’établir un rapport avec le corps. Pour cela, il choisit un essentiel de la garde-robe, neutre, un brin désuet mais toujours élégant : le pyjama. Il ne s’agit pas d’un discours de style même s’il a une vraie passion pour la mode. Enfin, le dialogue avec les artisans, de Puntoseta a conduit à explorer plusieurs techniques – jacquard, impression jet d’encre et transfert – et différentes matières – voile de laine, satin de soie et popeline de coton.
C’est un travail onirique et technique à la fois. Pierre Marie est un conteur. La liberté et le jeu permettent de chasser la monotonie. Aussi, Les pyjamas de Pierre Marie nous invitent à un voyage dans la voûte céleste, à nous évader à travers un songe les yeux ouverts, loin de la banalité du monde et à enchanter, poétiquement, les sens.
En cherchant à réinventer le mode de construction des vêtements, Vanessa Schindler s’est tournée depuis plusieurs collections vers un matériau inattendu issu de l’industrie chimique : l’uréthane. Travaillé à l’état liquide, il se fond dans les fibres du textile puis se rigidifie en une sorte de laque brillante, permettant ainsi de souder les pans de tissu pour les assembler. Déjà rompue à la méthode, en 2017 la créatrice poussait plus loin ces propriétés plastiques pour créer des motifs ornementaux à main levée ou moulés. Elle explore aujourd’hui de nouvelles perspectives.
La collection est dessinée à plat par l’application du polymère sur les contours de textiles fluides et élastiques mis en tension à l’instar du Lycra. Lorsque le plastique s’est figé, le tissu est libéré de sa contrainte et se reforme, révélant des vagues en trois dimensions. Autre expérimentation, la matière est coulée autour de fils ou de chaînettes disposés en quadrillage, il en résulte une trame large à utiliser comme un filet.
Le mode de production est primordial dans la conception des vêtements, il prend vie sous les mots de Vanessa : « Cette ligne constructive se balade partout et devient un décolleté, un col ou une ouverture. Elle traverse les codes d’un vestiaire féminin très poudré et intime, inspiré des robes de soirée et des robes de chambre des années 1990 ». Elle veut ancrer ce troisième volet dans le registre contemporain en croisant les techniques et les savoir-faire les plus précieux avec un vestiaire de tous les jours, jouant des codes avec humour et parfois avec frivolité.
« Ce projet est surtout riche d’une année de rencontres et de collaborations qui découlent du Festival d’Hyères. L’enjeu a été de conserver ce geste spontané de ma main et de l’enrichir grâce à des artisans hors pair. La maison Lesage est venue ennoblir mes lignes d’uréthane en brodant des perles et des pierres donnant l’illusion que la broderie y est emprisonnée. La maison Goossens a réinterprété en métal des recherches de formes réalisées dans mon atelier et a construit des tissages de chaînes que j’ai pu par la suite articuler avec des gouttes de polymère. La designer maille, Cécile Feilchenfeldt, a rempli par la maille du tricot mohair ces dessins de vêtements, et la designer graphique, Agathe Zaerpour, m’a, elle, offert son propre geste sur une robe et un imprimé. »
Diplômée de la HEAD Genève, Vanessa Schindler a remporté le Grand Prix du jury Première Vision en 2017, sous la présidence de Bertrand Guyon. Grâce à cette récompense, elle a pu développer sa nouvelle collection avec le soutien de Première Vision et des Métiers d’art de CHANEL : broderies de la Maison Lesage, bijoux de la Maison Goossens. Sa nouvelle collection est présentée pendant le festival lors de trois défilés et dans un showroom.
Photographies : Philippine Chaumont et Agathe Zaerpour
Photographies : Philippine Chaumont et Agathe Zaerpour
Photographies : Philippine Chaumont et Agathe Zaerpour
Photographies : Philippine Chaumont et Agathe Zaerpour
Collection capsule de cinq pièces, carte blanche Petit Bateau à Vanessa Schindler.
Photographies : Philippine Chaumont et Agathe Zaerpour
Collection capsule de cinq pièces, carte blanche Petit Bateau à Vanessa Schindler.
Photographies : Philippine Chaumont et Agathe Zaerpour
Daragh Soden nous plonge dans un univers de lumières. Du Faron au Cap Brun en passant par l’anse Méjean, le photographe irlandais raconte les chroniques d’une vie ordinaire. Celles d’une ville multiculturelle où les habitants s’approprient les lieux. Lors des trois séjours effectués sur place, il a rencontré́ de jeunes immigrés, des militaires, des Toulonnais de longue date et des marins en transit. La vie émane de toute part de ses photos, dans la joie, le sérieux et la lassitude. La rade, cette étrange beauté d’une cité maritime, cet espace militarisé interdit au public, rythme la cité portuaire. Daragh a pénétré dans l’enceinte de haute sécurité pour y shooter l’autre vie de Toulon, celle que l’on imagine austère, celle des militaires. Et pourtant, le soleil enveloppe chaque équipage de ses ors scintillants.
Un commandant prend la pose, le quartier-maître sourit et le matelot est au garde à vous. Le pont se teinte d’or et met en lumière différentes trames invisibles lorsque le soleil est à son zénith. Une lumière bienveillante et douce sublime les sujets, les inscrit dans l’éternité. À la sortie du port, la sensation des grands espaces, l’impression de mobilité et de transition sont immédiates. Les marins voguent vers de nouvelles missions, la rade n’est qu’une escale. Les motards qui sillonnent les tortueuses routes du Var font une halte baignade. Les touristes et leurs luxueuses berlines partiront à la fin de l’été. Toulon reste, Toulon change. Toulon renaît à chaque golden hour.
Les photographies de Daragh Soden font l’objet d’une publication dans la collection « Portraits de villes », éditions be-poles. Daragh Soden est basé à Londres. Il a étudié l'ingénierie à l'Université de Dublin et la photographie documentaire à l'Université de Newport au Pays de Galles. Il a remporté le Grand Prix du jury Photographie à Hyères en 2017.
Lauréate du premier Grand Prix du jury Accessoires de mode Swarovski, Marina Chedel poursuit son travail sculptural dans une nouvelle collection développée depuis un an.
En 2017, la force des reliefs naturels était déjà sa source majeure d’inspiration, Marina Chedel avait marqué les esprits avec ses chaussures en bois et cuir déclinées d’après les facettes des montagnes suisses. Elle revient à la villa Noailles avec une collection de sacs et de chaussures qui s’appuie sur la définition de la vague : un mouvement ondulatoire qui apparaît à la surface. Toujours puissantes, ses créations s’arrondissent et s’enroulent pour rappeler les courbes de la mer. L’accessoire occupe une place primordiale de la garde-robe, il modifie la silhouette et guide l’allure.
Entièrement interprétée en bleu profond, la collection est l’expression symbolique et sensible de l’interaction avec l’eau, la recherche de cette sensation paradoxale d’être immergé dans ce que l’on touche du dehors. Peu attendu pour traiter l’élément liquide, le bois reste pourtant le matériau de prédilection de la créatrice. Elle le fractionne et l’articule pour créer des bretelles vertébrées qui épousent les épaules et les omoplates. Elle crée sa flexibilité en découpant de fines lames qui supportent le chausson et amortissent les pas. Elle l’évide en dessinant l’onde d’une semelle-plateforme qui donne l’illusion d’un pied posé sur le vide, en appui entre les crêtes et les creux.
Des matières industrielles sont introduites dans la collection et magnifiées par la main de l’artisan à l’instar du néoprène – clin d’œil aux bodies des nageurs – métamorphosé par les broderies cornely de la Maison Montex. Les chaînettes au crochet se font camouflage de luxe dans un océan sublimé. Sur les sacs, les guêtres et la visière de la casquette, les filaments de laine, de coton et de jersey tuftés surgissent du textile pour en modifier le volume et s’animent comme des algues, laissant affleurer l’anatomie de celui qui les porte selon ses mouvements. A Raised Line That Moves Across the Surface transpose la tension entre le corps et la matière, l’équilibre fragile du surfeur qui se confond avec l’eau, la frôle et la survole.
Photographies:
Élise Amblard, Marie Deteneuille, Jalis Vienne - Soleil Rouge
Photographies:
Élise Amblard, Marie Deteneuille, Jalis Vienne - Soleil Rouge
Photographies: Élise Amblard,
Marie Deteneuille, Jalis Vienne - Soleil Rouge
Arrivées aux enfers, les Danaïdes sont condamnées par les dieux à une tâche aussi vaine qu’inéluctable : remplir sans relâche un tonneau percé. Un ensemble de fontaines, constituées d’imposants fûts de récupération d’eau de pluie, incarnent ici ce tonneau. Elles figurent et matérialisent le cycle de l’eau, offrant au regard le spectacle de son ruissellement. L’effort physique, qui initie le circuit du liquide, devient un acte performatif. Sa finalité, supposée vaine dans la mythologie, devient celle de la représentation du corps. Dans ces situations performatives, l’élan corporel active ces objets d’abord inanimés, le geste physique transmet l’impulsion fondamentale à l’amorce de leur mise en marche. L’objet inerte s’éveille à son tour, à l’image du corps. En absorbant cette énergie dépensée, les fontaines s’animent d’un fonctionnement magique, celui de l’eau elle-même : fluide vital et originel.
S’en dégage la sensation d’un corps dédié à l’accomplissement d’une tâche capitale, dont le but semblerait nous échapper. Un corps au labeur contre la substance qui fuit, un corps à l’effort qui soulève, déplace, emboîte les contenants du liquide. L’homme et l’objet se contaminent et se maculent réciproquement. Le seuil qui les sépare se trouble, ils se confondent et se fusionnent. La fontaine pleure, urine, boit, jouit ; le corps arrose, s’écoule, déborde.
Né en 1993, Grégoire Schaller a suivi un double enseignement à l’ENS de Cachan, au sein du département design, et à l’ENSCI – les Ateliers. Après avoir travaillé auprès de plasticiens et de designers comme Matthew Barney, Katie Stout ou Evan Robarts, il entame un travail de recherche performative avec la chorégraphe Anna Chirescu.
Arthur Hoffner est un designer français né en 1990. Il se passionne très jeune pour l’artisanat et la ferronnerie d’art, avant de passer un baccalauréat Arts Appliqués à l’école Boulle puis un master de Création industrielle à l’ENSCI – Les Ateliers. Il a notamment travaillé avec les différentes maisons et studios tels que Cinna, Jerszy Seymour, Théo Mercier, Erwim Wurm, la fondation Coubertin, Henriot-Quimper, la Gaîté Lyrique, Robert Stadler, Unfold Studio… Il a remporté plusieurs récompenses, dont le prix du public de la Design Parade 2017 de la villa Noailles. Depuis 2015, ils conçoivent des pièces pour des institutions culturelles, notamment le Musée d’art moderne de la ville de Paris, le palais de Tokyo, le Silencio et la Ménagerie de verre.
En 1994, Gianni Versace évoquait dans une interview (Charlie Rose, Flashback, PBS) l’importance de la mise en récit de son travail par l’image photographique. Il résumait ainsi en quelques mots lapidaires le rapport médiatique et économique qui lie les deux disciplines. La photographie, et plus généralement l’image, est finalement ce que l’immense majorité des gens voit, et de fait comprend, du travail du couturier. « Ces artistes (les photographes) sont ma voix (…) et vous avez besoin d’une bonne voix pour parler. La particularité et la chance de la mode c’est de pouvoir parler au monde entier avec une seule image. »
Si la mode est consommation de marchandises, elle est également consommation d’images. Lorsque Gianni Versace répond à cette interview, la photographie argentique, l’industrie de la presse papier et l’imprimerie culminent, chant du cygne avant une révolution sans retour. Alors que la photographie de mode et son industrie sont aujourd’hui confrontées à un renouvellement à marche forcée, éthique et technologique, les années 1980 et 1990 témoignent d’une forme d’aboutissement dans la relation du créateur au photographe et dans la place qu’occupe ce dernier dans la stratégie de communication des marques.
Les séries se déclinent bien sûr dans les magazines et les publicités mais également dans des catalogues commerciaux que l’on offre aux journalistes et aux clients. Véritable genre éditorial, intensément produits durant cette période, ils sont les manifestes visuels des nouvelles collections, et du reste ce que l’on livre à la postérité. En opposition aux simples lookbooks, ces catalogues sont pensés et conçus comme des objets qui en rassemblant le travail du créateur de mode, du photographe et du graphiste (pour ne citer qu’eux) représentent la « voix » et la mise en récit qu’évoquait Gianni Versace.
Particulièrement prolixes dans ce domaine, le styliste italien et sa marque multiplient les collaborations avec les photographes, de Irving Penn à Richard Avedon, en passant par Bruce Weber, Helmut Newton, Herb Ritts, Steven Meisel… La richesse, la qualité et la diversité de ces catalogues font de Versace l’une des marques les plus intéressantes, « un super cas », pour questionner ce rapport historique des maisons de couture et des photographes.
Books and Photographs, galerie fondée par Jean-Mathieu Martini et François Cam-Drouhin, ouvre avec cette exposition un cycle sur les catalogues de marques, genre relativement peu visible, qui constitue assurément une forme particulièrement aboutie et sophistiquée du travail des photographes de mode.
Couvertures de catalogues Versace, 1989-1999, collection particulière.
Herb Ritts, Versace Couture. Automne/Hiver 1991-1992. Catalogue in-4, broché, 127 pages.
Richard Avedon, Versace Femme. Printemps/Été 1996. Catalogue in-4, broché, 148 pages.
Bruce Weber, Versace Homme. Automne/Hiver 1995-1996. Catalogue in-4, broché, 159 pages.
Je suis invitée à photographier Beyrouth pendant trois semaines, cette ville coincée entre la Méditerranée et les montagnes du Liban. La barrière de la langue arabe me fait très vite abandonner l’idée de travailler autour de la ligne verte, la rue de Damas qui divisait autrefois Beyrouth Est de l’Occident musulman sous contrôle chrétien.
Je rencontre le musicien Charbel Haber au bar l’Internazionale à Mar Mikhael, quartier chrétien en trop pleine gentrification. La ville devient vite chaude et bruyante, rythmée par les chants du muezzin qui m’émeuvent à chaque fois, et les engins de chantiers remplis d’ouvriers souvent syriens. La poussière blanche mêlée au rouge de la terre recouvre les plantes et les voitures. Grues, mosquées, églises, buildings, grues, du ciel sans horizon, il faudra aller plus haut dans les montagnes. Charbel m’introduira à son cercle d’amis, dont beaucoup de femmes, ses amours passées qui le constituent. Il incarne le soleil noir de la mélancolie, sa voix est proche de celle de Nick Cave. Le soir, il ne va plus au Torino, cet étroit rectangle rouge sombre où se côtoient d’autres habitués, le patron y passe des disques de choix. Les amies de Charbel ont des profils très différents, un peu comme la complexité de cette ville aux contrastes délirants ; certaines d’entre elles m’inspireront terriblement.
La villa Noailles m’a toujours fait rêver. Du film de man Ray le Mystère du château du Dé, aux photos et descriptions que Karl Lagerfeld m’en fit, ce lieu mythique et abandonné reprenait vie grâce à Jean-Pierre Blanc. Répondant à son invitation l’été dernier, d’être président de la Design Parade Toulon. Je découvris, avec mon amie Geneviève Hebey, qui elle aussi était venue des années auparavant avec Karl, cette maison cubiste telle celle de l’inhumaine, elle aussi dessinée par Robert Mallet Stevens, avec son extraordinaire géométrie blanche, se découpant dans le ciel bleu. Ce jour-là, le musée présentait Cocteau et les scrapbooks de Marie-Laure de Noailles. Émerveillé, je me promenais dans ce labyrinthe métaphysique aux souvenirs de l’époque la plus brillante en art, musique, design et toute possibilité à la modernité, tel le cinéma. Les mécènes étaient un couple excentrique, ils recevaient là toutes les personnalités les plus représentatives de cette révolution artistique. Dans ce dédale, comment ne pas se souvenir d’Andrée Putman, qui, elle plus que tous, m’avait fait découvrir l’élégance architecturale de cette période. Le téléphone sonne, ce n’est pas la voix humaine mais celle de J.-P. Blanc qui me propose de faire la décoration temporaire de la boutique. Je dis oui automatiquement. En raccrochant je réfléchis : invité pour une performance comme les Noailles commandaient à leurs amis, quelle folie ! Je dessinais en pensant aux sculptures blanches de Max Ernst, aux maisons du sud où l’extérieur s’invite à l’intérieur, à la Méditerranée de plâtre blanc. Sous l’écriture automatique, ma main dessine ces profils évocation d’un Cocteau aztèque, où viendraient se nicher dans leurs têtes, des cactus et aloès, sortis des poches du magicien Pierre Debeaulieu. Jean-Pierre m’a parlé de ce peintre plein d’humour, Mathieu Cossé qui réalisera des fresques dans les cadres de stuc aux formes humaines ; on revient à l’inhumaine de Marcel L’Herbier qui hante ma mémoire. Les rêves deviennent toujours réalité sur cette côte d’azur où non loin respire toujours la villa Santo Sospir.
Le magazine Crash est né en 1998 d’une envie de changer le paysage de la presse en France. Actuel n’existait plus et les magazines français restaient conservateurs. Fondé par Frank Perrin et Armelle Leturcq, alors critique d’art ayant déjà créé la revue Blocnotes dans les années 1990, Crash entendait être le laboratoire de cette nouvelle génération, née avec la French Touch et la culture électronique. La « Génération Home studio » comme nous l’avons appelée, génération qui créait chez soi, grâce à ce nouvel outil qu’était l’ordinateur personnel. Les débuts du magazine ont été risqués, créer un nouveau support, diffusé en kiosque et tiré а 30 000 exemplaires coûtait cher. Mais les succès a été au rendez-vous au niveau des ventes. Puis les premiers annonceurs auxquels on ne s’attend pas comme la Maison Chanel qui fut la première maison de luxe à soutenir et comprendre l’intérêt du titre. Aujourd’hui Crash fête ses vingt ans d’existence et regarde toujours vers l’avenir. Crash a toujours voulu faire émerger de nouveaux talents et ne jamais suivre les règles du milieu de la mode. Nous avons toujours voulu nous libérer des préjugés, faire appel а des regards différents, non formatés.
Durant toute cette année 2018, les quatre numéros de Crash porteront sur l’idée de révolution, en hommage aussi aux cinquante ans de mai 1968. Aujourd’hui les éditeurs de Crash ont également un « artspace » indépendant à Saint-Germain des Prés, le 22visconti, plateforme de nouveaux talents, au croisement des générations. Pour les vingt ans de Crash, nous avons demandé à Julien d’Ys, artiste visionnaire, collaborateur de longue date de nos créateurs préférés, de Rei Kawakubo à Azzedine Alaïa, de porter son regard sur le magazine. Ayant déjà réalisé des séries mode pour Crash, il va remixer des images qu’il a choisies dans nos pages, les mettre en scène, les sublimer, y apporter sa touche comme il sait parfaitement le faire.
Depuis 2013 la villa Noailles invite dix anciens finalistes du festival à présenter leur plus récente collection sous la forme d'un showroom. Ce moment d'échanges est important pour ces créateurs, car il leur permet de rencontrer les acteurs majeurs de la profession dans le contexte privilégié du festival et leur offre une visibilité auprès du public, des journalistes et des professionnels. Pour la première fois, des créateurs d'accessoires de mode y participent.
L'artiste Marc Turlan met en scène ce showroom en imaginant un décor pour le jardin du centre d'art.
Format familier de la Maison CHANEL, le podcast 3.55 s'invite au Festival International de Mode, de Photographie et d'Accessoires de Mode à Hyères.
Durant le festival, la mannequin et comédienne Audrey Marnay reçoit des invités tous membres des jurys de l'édition 2018. Des moments partagés,instants suspendus, échanges précieux à écouter à partir du 29 avril sur Apple Podcasts.
L’artiste belge et danseuse Claire Laffut vient de sortir son tout premier titre et se passionne pour le tatouage éphémère. Elle explique à Audrey Marnay les différents visages que peut prendre sa créativité.
Comment mobiliser ses émotions pour les transformer en musique ? La mélancolie peut-elle devenir un moteur créatif ? Malik Djoudi, auteur, compositeur et interprète français, se confie à Audrey Marnay.
La photographe Bettina Rheims, présidente du jury pour la catégorie Photographie, est l’invitée d’Audrey Marnay pour le nouvel épisode de la série de podcasts enregistrés à la Villa Noailles, en pleine effervescence durant le Festival de Hyères.